En novembre 2024, le célèbre historien français Roger Chartier a pris part à un séminaire sur le rôle des humanités dans le monde contemporain, organisé par l’Université Diego Portales à Santiago, au Chili. Éminent spécialiste de l’historiographie française, Chartier, qui a consacré de nombreuses recherches à l’histoire culturelle, au livre et à la lecture à l’époque moderne, a débuté le séminaire par une conférence intitulée Humanités, humanisme, humanité, où il a exploré la crise qui touche les humanités.
Bien qu’il se soit penché sur des questions culturelles d’une époque antérieure, sa présentation a également abordé des problématiques contemporaines, en particulier le rôle des humanités face à la montée de l’intelligence artificielle.
Dans ce contexte, Chartier évoque l’émergence de nouvelles façons de lire, modifiant profondément notre manière de penser, qu’il qualifie de “révolutionnaire”. Il explique que “la révolution des agents conversationnels ne représente pas seulement une avancée technique dans l’accès à l’information, semblable à l’invention de l’écriture, à l’apparition de l’imprimerie ou à la révolution d’Internet, mais constitue aussi une rupture avec les catégories fondamentales qui ont structuré notre discours”, comme il le souligne dans une interview accordée à Interferencia par mail.
Dans cette discussion, il examine comment les pratiques de lecture imposées par les réseaux sociaux et une forme de lecture fragmentée influencent le statut du livre, qui pourrait bénéficier d’une nouvelle appréciation.
– À la lumière de ces nouveaux comportements d’apprentissage et de compréhension engendrés par les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle, comment ces changements affectent-ils la profondeur de la pensée et la complexité de la réflexion ?
Il est crucial de comprendre que la transformation numérique ne modifie pas uniquement notre perception de la matérialité des textes, elle impacte également nos manières de les lire, de les comprendre et de les utiliser.
Pour la première fois dans l’histoire de la culture écrite, le texte et son support ne sont pas inséparables. Avec les appareils numériques (ordinateurs, tablettes, smartphones), cette connexion s’efface.
« Dans le livre imprimé, chaque fragment est situé à son emplacement spécifique et joue un rôle déterminé dans la narration, la démonstration ou l’argumentation. Dans le texte électronique, cette relation disparaît. Le fragment devient autonome, indépendant. Parfois, il cesse d’être un “fragment” car ce terme implique une totalité à laquelle il appartient ou appartenait. »
Cette distinction majeure a de profondes implications.
Tout d’abord, elle crée une continuité morphologique entre diverses catégories discursives : messages sur les réseaux sociaux, informations (ou désinformations) sur les sites internet, livres et articles électroniquement publiés. Ainsi, la perception de leur différence, fondée sur leur matérialité propre, s’efface, tout comme disparaissent les méthodes traditionnelles de lecture qui reposent sur une compréhension immédiate, facilitée par leur mode de publication.
De plus, l’usage numérique, guidé par l’appropriation de textes courts, transforme la relation entre le fragment et la totalité du discours. Dans un livre imprimé, la connexion entre chaque élément (chapitre, paragraphe, phrase) et l’ensemble de l’œuvre est mise en avant par la forme matérielle de l’objet.
Nous devons donc revoir l’idée souvent répétée de la “mort du livre”. Actuellement, il ne s’agit pas tant de la disparition du support matériel – qui continue d’exister pour de nombreux lecteurs – mais plutôt d’un éloignement des lecteurs numériques vis-à-vis de la forme de discours particulière qu’est le livre imprimé, perçu comme une architecture textuelle claire, dont le sens découle des relations entre ses différentes parties.
En conclusion, l’une des transformations les plus remarquables dans les pratiques de lecture réside dans leur accélération. Des études sociologiques ont démontré que la lecture de textes électroniques se caractérise par sa précipitation, cherchant uniquement à obtenir des informations ou à parvenir le plus rapidement possible à la conclusion d’une analyse ou à la fin d’une histoire.
Ces usages impatients sont associés à une absence de remise en question de la véracité des contenus diffusés. Ce qui est le plus préoccupant dans la lecture numérique façonnée par les réseaux sociaux, c’est la modification même du critère de la vérité.
Dans la culture imprimée, établir la vérité d’une affirmation nécessite de la confronter à d’autres, d’exercer un jugement critique, de déterminer son degré d’autorité et de véracité. À l’inverse, dans la lecture influencée par les réseaux sociaux, le critère de la vérité est intégré directement dans le réseau. De ce fait, la capacité de jugement critique se perd lorsque le critère de vérité s’amenuise, remplacé par une certitude ou une crédulité collective, alimentées par une confiance aveugle dans le réseau social ou dans une communauté de discussion.
La technologie numérique est alors devenue l’instrument le plus puissant pour propager des théories farfelues, des fausses informations, des manipulations de l’histoire, des falsifications de la réalité, ainsi que la haine, l’intolérance et le racisme.
« Ces usages impatients sont associés à une absence de remise en question de la véracité du contenu diffusé. Ce qui est le plus préoccupant dans la lecture numérique façonnée par les habitudes des réseaux sociaux, c’est la transformation du critère de la vérité. »
Aujourd’hui, le défi que pose le monde numérique a pris une nouvelle dimension : l’intelligence artificielle.
Ce terme peut sembler paradoxal si l’on considère l’intelligence non seulement comme une forme de raisonnement logique pouvant être reproduite par une machine, mais aussi comme la capacité humaine à comprendre, appréhender et tirer parti de situations particulières.
Les définitions de l’intelligence artificielle fournies par le dictionnaire de la Real Academia soulignent cette capacité à simuler l’intelligence humaine dans les processus de raisonnement et d’apprentissage.
Néanmoins, les définitions de l’intelligence humaine ne se limitent pas à ces opérations cognitives. Selon le dictionnaire, l’intelligence est définie comme « habileté, compétence et expérience », comme « compréhension » et « capacité à résoudre des problèmes », impliquant la curiosité, les émotions et les sentiments qui font partie intégrante de l’expérience humaine. C’est pourquoi l’expression « intelligence artificielle » soulève des réticences.
Les promesses et les dangers de l’intelligence artificielle sont devenus une préoccupation majeure au cours des dernières années.
Je considère qu’il existe deux enjeux importants dans la relation entre l’intelligence artificielle générative et la culture écrite.
Le premier concerne la production automatique de textes et d’images. La préoccupation est née avec les traductions automatiques qui, en étant adoptées par les maisons d’édition, limitent le rôle des traducteurs à la seule correction de textes préalablement traduits, réduisant ainsi leur rémunération par le biais de contrats désavantageux.
Par ailleurs, l’utilisation de la traduction automatique pose la question de la différence entre la traduction vue comme équivalence linguistique stricte et la traduction considérée comme compréhension et transposition d’une originalité stylistique et culturelle, ou, pour citer Paul Ricœur, comme une forme d’hospitalité qui accueille l’autre tout en acceptant “l’inévitable différence” entre les langues.
Dans le cadre de la traduction, l’intelligence artificielle s’approprie un texte déjà existant. Il en va autrement pour la création de contenus originaux, qui mobilise l’immense potentiel des bases de données numériques fournies par les bibliothèques numériques et les archives sur Internet.
« Les productions génératives de l’intelligence artificielle dépendent des archives numériques disponibles, avec leurs inégalités linguistiques, leur désinformation et leurs biais. »
De nombreux exemples spectaculaires de telles créations existent, notamment la composition de la dixième symphonie de Beethoven, les photos falsifiées, la prolifération des œuvres autoéditées et des textes plagiés.
Il n’est pas toujours aisé de détecter ces falsifications. Par ailleurs, les productions génératives de l’intelligence artificielle reposent sur des archives numériques dont les inégalités, la désinformation et les préjugés peuvent compromettre leur fiabilité.
Pour dissiper l’illusion d’une présence humaine dans ces textes produits automatiquement, les acteurs de l’édition peuvent et doivent s’engager à respecter certaines normes éthiques et règles juridiques, assurant la transparence quant à l’origine (humaine ou non) des textes et images, la responsabilité légale des producteurs de contenus, ainsi que la protection de la propriété et de la vie privée des données personnelles.
Ces normes peuvent être établies par la loi, par des décisions des communautés scientifiques et des éditeurs de revues académiques ou par contrat (par exemple, l’option “opt-out” permettant à un auteur d’interdire la libre circulation de ses œuvres dans les archives numériques).
Le risque d’obsolescence des valeurs de la culture éclairée, liées aux livres et par extension à la parole écrite, subsiste-t-il ?
Le second défi que pose l’intelligence artificielle à la culture écrite et imprimée réside dans l’existence même du livre comme source essentielle de connaissance. ChatGPT déplace la quête d’informations de la lecture d’un livre ou d’un article vers une conversation, renforçant l’illusion d’un interlocuteur humain dans ce dialogue.
L’intelligence artificielle devient alors un outil puissant pour redéfinir les tâches, transformer les emplois et modifier la production textuelle. Dans chacune de ces dimensions, qui offrent des perspectives séduisantes, les concepts fondamentaux de la culture écrite, définis depuis le XVIIIe siècle par le lien entre les notions d’originalité des œuvres, de responsabilité de l’auteur et de propriété intellectuelle, sont menacés.
À ces trois notions s’opposent directement la disponibilité publique des écrits, l’anonymat de l’écriture automatique et la réutilisation ou le plagiat de textes existants.
La révolution des agents conversationnels n’est pas qu’une avancée technique dans l’accès à l’information, semblable à l’apparition de l’écriture, à l’invention de l’imprimerie ou même à la révolution numérique, mais elle constitue également une rupture avec les catégories fondamentales ayant construit notre ordre de discours.
« La révolution des agents conversationnels ne se limite pas à une avancée technique dans l’accès à l’information, semblable à l’invention de l’écriture, à l’apparition de l’imprimerie ou à celle d’Internet, mais elle marque aussi une rupture avec les catégories fondamentales qui ont façonné notre discours. »
Il en résulte qu’à l’école, la pratique éducative doit considérer la technologie numérique non seulement comme un outil d’enseignement, mais aussi comme un sujet d’enseignement, exposant à la fois ses formidables possibilités et ses dangers.
En dehors de l’école, la création de communautés de communication confrontées à la désinformation, tout comme la promotion de réseaux et de plateformes alternatives, peuvent permettre de prendre conscience des nouveaux dangers engendrés par la prétendue intelligence artificielle : la production de faux contenus pouvant être perçus comme authentiques, la rédaction de textes qui frôle le plagiat ou le développement de techniques nuisant à la vie privée ou à la liberté des individus soumis à la tyrannie des algorithmes.
Seule l’éducation, peu importe son cadre ou sa méthode, peut apprivoiser notre crainte face à un avenir qui est déjà présent.
Les fractures générationnelles sont-elles particulièrement marquées aujourd’hui, notamment en ce qui concerne les différents codes, valeurs et habitudes mentales entourant les nouvelles technologies ?
Lors d’une enquête sur les pratiques culturelles des Français, publiée en 2020 par le ministère de la Culture, deux questions se démarquent.
La première portait sur le fait de savoir si les personnes interrogées avaient lu au moins un livre l’année précédente, soit en 2018. Dans le groupe des individus nés entre 1945 et 1974, plus de 80 % répondait par l’affirmative, tandis que chez ceux nés entre 1995 et 2004, ce pourcentage était seulement de 58 %.
Cette différence entre les générations entraîne une diminution globale du taux de lecteurs de livres entre 1988 et 2018 : il est passé de 73 % en 1988 à seulement 62 % en 2018, soit une baisse de 11 %.
La seconde question cherchait à déterminer si les lecteurs avaient lu vingt livres ou plus durant l’année précédente. En 2018, 15 % affirmaient avoir lu autant, contre 28 % en 1973 et 22 % en 1988.
« Seule l’éducation, peu importe son cadre ou sa méthode, peut apprivoiser notre crainte face à un avenir qui est déjà présent. »
Ces chiffres révèlent que la lecture et l’achat de livres ont diminué, tant concernant le nombre de « grands lecteurs », qui achètent et lisent beaucoup, que de manière générale (et particulièrement chez les jeunes), avec un éloignement manifeste de la lecture traditionnelle.
L’enquête sur les pratiques culturelles des Français met également en lumière qu’un Français sur six (15 %) déclare que sa vie culturelle s’effectue totalement dans le monde numérique, à travers les réseaux sociaux, les vidéos en ligne, les jeux électroniques, ainsi que la lecture et l’écriture sur écran.
La moitié de ces personnes, vivant dans une situation avant même la pandémie similaire à celle de cette dernière, a moins de 25 ans.
Ce sont les “wreaders” de notre époque, qui établissent une connexion immédiate et continue entre la lecture et l’écriture sur le même support. Ainsi, la question se pose de savoir si les pratiques culturelles en ligne coexisteront avec la lecture de textes imprimés ou si elles deviendront exclusives à une population en croissance.
La conséquence la plus troublante de la lecture numérique, façonnée par les habitudes des réseaux sociaux, qui s’éloigne de la lecture lente et critique, traditionnellement associée aux livres dans leur définition discursive, est la transformation même du critère de la vérité.
Dans la culture imprimée, établir la vérité d’une affirmation implique de sortir de l’énoncé et de le confronter à d’autres, d’exercer un jugement critique, d’enquêter pour évaluer son degré d’autorité et de véracité.
Pour autant, dans la lecture façonnée par les réseaux sociaux, le critère de la vérité est inscrit dans le réseau lui-même. Il n’est pas nécessaire de quitter le texte ou le réseau pour valider les informations et les affirmations. L’espace partagé où se rencontrent ces éléments constitue une garantie suffisante de leur véracité.
Le glissement du critère de vérité depuis la vérification critique vers une certitude ou une crédulité collective, alimentée par une confiance aveugle dans le réseau social ou dans un groupe de discussion, représente un péril considérable pour le savoir.
Exist-il des parallèles semblables dans l’histoire des fractures générationnelles concernant les processus épistémologiques et cognitifs ?
La structure des discours, telle que nous la connaissons, a été établie à partir du lien entre différents types d’objets (livres, journaux, revues, affiches, formulaires, lettres, etc.), catégories de textes et méthodes de lecture ou d’utilisation.
Une telle association a donné lieu, dans le monde occidental, à la sédimentation de trois innovations fondamentales.
« Dans la lecture façonnée par les pratiques des réseaux sociaux, le critère de vérité est inscrit dans le réseau lui-même. Il n’est pas nécessaire de quitter le texte ou le réseau pour valider les informations et les affirmations. L’espace partagé où se rencontrent ces éléments constitue une garantie suffisante de leur véracité. »
Tout d’abord, entre les IIe et IVe siècles, le livre que nous appelons codex, composé de cahiers, de feuilles et de pages réunis dans une même reliure, a remplacé les rouleaux utilisés par les lecteurs de l’Antiquité grecque et romaine.
Ensuite, aux XIVe et XVe siècles, est apparu, dans la culture manuscrite, avant Gutenberg, un nouveau type de livre ne contenant que des œuvres produites par un seul auteur, alors que cette relation concernait auparavant presque exclusivement les autorités anciennes et chrétiennes, les œuvres en latin et les corpus juridiques.
Enfin, au XVème siècle, l’imprimerie s’est imposée comme la technique privilégiée pour la reproduction de l’écrit et la production de livres.
Nous sommes les héritiers de cette histoire tant pour définir ce qu’est pour nous un “livre” – à la fois objet et œuvre, un “opus mechanicum” et un discours adressé aux lecteurs, comme le signalait Kant – que pour notre perception de la culture écrite, qui repose sur des distinctions immédiatement visibles entre objets manuscrits et imprimés.
C’est cet ordre des discours qui transforme profondément la textualité électronique.
Désormais, sur un support unique, l’écran des ordinateurs, se présentent au lecteur diverses sortes de textes traditionnellement distribués entre des objets distincts. Tous les textes sont lus sur le même support et de la même manière (généralement selon le choix du lecteur). Une continuité textuelle se crée alors, ne différenciant plus les discours en fonction de leur matérialité propre, rendant difficile la perception des œuvres comme telles, dans leur cohérence et leur identité.
La lecture face à un écran est généralement une lecture discontinue, qui recherche, au moyen de mots-clés ou de rubriques thématiques, le fragment textuel que l’on cherche à s’approprier sans nécessairement percevoir la totalité textuelle que ce fragment renferme. Ainsi, dans le numérique, toutes les entités textuelles fonctionnent comme des banques de données cherchant des fragments, dont la lecture ne garantit ni compréhension ni perception de l’œuvre dans son identité singulière.
« Une telle révolution oblige le lecteur à s’éloigner de toutes les héritages qui l’ont façonné, puisqu’elle se présente, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, comme une révolution technique de reproduction des textes, une révolution de la matérialité du support écrit, ainsi qu’une révolution dans notre rapport à l’écrit. »
C’est pourquoi il est impératif de ne pas sous-estimer l’originalité et l’importance de la révolution numérique. Une telle révolution contraint le lecteur à renoncer à ses héritages, car elle représente, pour la première fois dans l’histoire humaine, une révolution technique dans la reproduction des textes, une révolution de la matérialité du support écrit, et une révolution dans la relation avec l’écrit.
La révolution du codex a été marquée par la permanence de la technique de reproduction des textes, à savoir la copie manuscrite. La révolution de l’imprimerie n’a pas modifié la morphologie du livre, composé de cahiers, feuilles et pages, tant avant qu’après Gutenberg (et cela reste vrai aujourd’hui). Enfin, les révolutions de la lecture (lecture silencieuse diffusée entre le Moyen Âge et le XIXe siècle, ou lecture extensive au XVIIIe siècle) se sont réalisées dans des conditions de stabilité technique ou morphologique.
La révolution numérique, dans ses différentes manifestations, depuis le web jusqu’à l’IA, a associé tous les enregistrements des mutations de la technique de production et de reproduction des textes ou des images, les modalités de leur inscription et les façons dont elles sont appropriées.
Quel a été le rôle de la presse écrite dans ces trajectoires ?
Les mutations de la presse écrite, passant du papier imprimé aux écrans d’ordinateurs, nous rappellent l’importance de ne pas confondre les deux formats.
À mon sens, le débat sur le rapport entre le numérique et l’imprimé reste trop souvent ancré dans l’idée que l’un pourrait remplacer l’autre.
Nous le constatons avec les bibliothèques qui choisissent de ne proposer que des reproductions numériques de leurs collections. Nous l’avons également observé lorsque des revues ou des journaux ont décidé d’abandonner leur version imprimée, pensant qu’une publication numérique serait équivalente. Cela se vérifie également chez les lecteurs, notamment ceux qui considèrent que lire un texte sous sa forme électronique ou sous sa forme imprimée est identique. Les pratiques liées aux réseaux sociaux et celles qui requièrent une lecture lente et critique des livres semblent de plus en plus confondues.
« La logique numérique est une logique thématique, hiérarchique, algorithmique. Elle permet de trouver rapidement ce que l’on cherche. En revanche, la logique de l’imprimé repose sur des lieux et un voyage. Elle offre la possibilité de découvrir l’imprévu, l’inconnu. »
Il est erroné de penser qu’un texte se limite à son contenu sémantique et qu’il est équivalent de lire un texte sur écran et de le lire sous forme imprimée (sachant qu’il ne s’agit pas du même texte…).
Ce ne sont pas des expériences comparables.
La logique numérique est thématique, hiérarchique et algorithmique. Elle permet une recherche rapide. La logique de l’imprimé se réfère aux lieux et à l’exploration. Elle aide à découvrir l’imprévu, l’inconnu.
C’est cette logique qui régit les espaces des librairies, les rayonnages des bibliothèques, les éléments qui composent l’architecture du livre.
Prendre conscience de cette distinction peut et doit inspirer nos pratiques de recherche et d’enseignement, qui ne peuvent se limiter à une lecture face aux écrans, tout comme nos comportements, qui doivent préserver l’exploration contre les algorithmes, la librairie contre Amazon, la bibliothèque contre le web, et les objets manuscrits ou imprimés contre l’impérialisme numérique.
Mon opinion
Au regard des réflexions de Roger Chartier sur l’impact des nouvelles technologies sur la lecture et la vérité, il est essentiel de se questionner sur notre rapport à la culture écrite. Les changements actuellement observés soulèvent des préoccupations quant à notre capacité à intégrer les richesses de la lecture lente et critique dans un contexte où l’information circule à un rythme effréné. La coexistence harmonieuse entre les supports numériques et imprimés est un défi qui doit être retenu par les acteurs de l’éducation et de la culture.
- Source image(s) : interferencia.cl
- Source : https://interferencia.cl/articulos/roger-chartier-la-impaciencia-de-la-lectura-digital-se-asocia-la-falta-de-cuestionamiento
Marine Martin, originaire de l’île Maurice, a débuté sa carrière comme conseillère bancaire avant de se faire un nom à New York. Passionnée par les marchés financiers internationaux, elle se spécialise dans les domaines de la banque, de la finance et du trading.