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Lorsque l’on évoque la technologie nucléaire, l’esprit se tourne souvent vers les tragiques bombes atomiques qui ont frappé Hiroshima et Nagasaki en 1945 ou vers les centrales nucléaires, souvent critiquées, qui produisent de l’électricité. Pourtant, l’utilisation des techniques nucléaires s’étend bien au-delà, affectant notre quotidien de manière moins évidente qu’on ne le pense. Grâce à de faibles doses de radiation, le domaine médical fait des avancées notables dans le diagnostic par imagerie, permettant une détection précoce de maladies comme le cancer. Les rayons X ont été la première de ces innovations, suivis par les tomographies informatisées et les IRM. Actuellement, nous disposons d’une nouvelle génération de radio-isotopes qui, via la tomographie par émission de positons (TEP), scrutent avec une précision accrue le fonctionnement de nos organes internes. De plus, les traitements de radiothérapie deviennent de plus en plus ciblés, ciblant les cellules cancéreuses tout en préservant les tissus sains, comme le fait la brachythérapie, qui introduit des matériaux radioactifs directement dans les tumeurs.

Cependant, cela ne fait qu’effleurer la surface de l’application de la technologie nucléaire. La radiation ionisante est également utilisée pour désinfecter des équipements médicaux, pharmaceutiques et cosmétiques. « La plupart des usages de la technologie nucléaire font partie intégrante de notre quotidien. Par exemple, une lampe UV émet des radiations ultraviolettes qui éliminent les micro-organismes sur les outils parfois utilisés dans les salons de coiffure », affirme Daniel Cano, chercheur au département de Fission Nucléaire du Centre de Recherches Énergétiques, Environnementales et Technologiques (Ciemat).

La radiation ionisante joue également un rôle dans la désinfection des aliments. Que ce soit les céréales, les légumineuses, les fruits ou les légumes, ces derniers sont exposés à des rayons gamma pour chasser les insectes, larves, et germes, ce qui prolonge leur durée de conservation. Cette méthode est reconnue et encouragée par des organisations comme l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Ces aliments, qualifiés **d’aliments ionisés**, portent un logo distinctif et n’émettent pas de radioactivité, comme le stipule un document du Forum Nucléaire. Selon un rapport, ils sont « complètement sûrs pour la consommation humaine ». Une étude conjointe de la FAO et de l’OCDE a démontré que l’irradiation des aliments avec des doses inférieures à 10 kGy (le Gray étant l’unité de mesure de la radiation) ne présente aucun risque toxique.

Tant l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire) que le Comité Scientifique de l’Agence Espagnole de Sécurité Alimentaire et de Nutrition (Aesan) reconnaissent l’utilité de l’irradiation pour réduire les agents pathogènes dans les aliments. Cependant, une directive européenne de 1999 n’autorise l’irradiation que pour les herbes aromatiques, épices et condiments végétaux (secs), bien que les États membres puissent continuer à irradier d’autres catégories auparavant autorisées. Ainsi, certains pays de l’UE, comme la France et la Belgique, irradiquent également des cuisses de grenouille congelées. Toutefois, cette technique est de moins en moins utilisée en Europe, alors qu’elle prend de l’ampleur en Asie (notamment en Chine) et en Amérique.

Accélérer les mutations

Par ailleurs, la radiation est utilisée pour irradier des semences dans le but de générer des mutations de plantes améliorées, par exemple, résistantes à la sécheresse ou à certaines nuisibles. « Des radiations ont permis de créer 40 nouvelles variétés de manioc, dont quatre résistantes à un champignon destructeur », indique Manuel Fernández Ordóñez, docteur en physique nucléaire et expert au sein de la Société Nucléaire Espagnole (SNE). Il cite également des exemples encourageants en Afrique et en Asie, où la productivité des cultures a été significativement augmentée grâce à ces méthodes.

Une des techniques les plus notables est celle de l’« insecte stérile », utilisée pour le contrôle des nuisibles affectant les cultures. Cette méthode consiste à stériliser, via la radiation, des mâles de l’espèce ciblée, rendant leur reproduction impossible et ainsi diminuant la population.

La Communauté Valencienne mène un projet basé sur cette méthode pour lutter contre la mouche méditerranéenne, nuisible aux agrumes et fruitiers – un enjeu essentiel pour cette région, premier exportateur mondial. La technique est également déployée pour contrôler le moustique tigre, vecteur de maladies comme le dengue, dans les parcs et jardins de grandes villes comme Valence et Castellón.

Unique en Europe

Les insectes ciblés sont élevés dans une **bioplante** à Caudete de las Fuentes, qui est une référence mondiale pour cette méthode. Ce projet est dirigé par la Conselleria d’Agriculture, d’Eau, d’Élevage et de Pêche de la Communauté Valencienne et géré par l’entreprise publique **Groupe Tragsa.**

« Cette installation a la capacité de concevoir la production de 500 millions de mâles stériles par semaine, bien que nous soyons actuellement à environ 250-300 millions », précise Ignacio Pla, responsable des projets d’application de la technique contre les nuisibles au sein du Groupe Tragsa.

C’est la seule bioplante en Europe à produire des insectes stériles et la troisième au monde. « L’irradiation pour lutter contre la mouche méditerranéenne est réalisée dans une installation à Tarancón, équipée d’un accélérateur d’électrons correspondant à notre capacité de production », ajoute Pla.

De plus, l’**Institut de Radiofarmacie Appliquée de Barcelone (IRAB)** possède un cyclotron capable de générer des isotopes radioactifs pour la production de radio-isotopes médicaux. Cette entité se spécialise dans les radio-isotopes pour le diagnostic des maladies oncologiques et neurologiques. « Nous avons un pool de huit produits; trois sont commercialisés et cinq sont en phase d’essai clinique. Nous fournissons environ 20-25% des radio-isotopes utilisés dans tous les centres catalans », explique Joan Trens, directeur général de l’IRAB.

Aujourd’hui, le Forum Nucléaire estime que près de 300 radio-isotopes sont en usage pour le diagnostic, une technologie qui commence également à montrer son efficacité dans le traitement de certaines maladies.

Les radio-isotopes peuvent être injectés, ingérés ou inhalés sous forme de gaz. Ce sont des composés chimiques contenant des radiations. « Un isotope radioactif compatible avec le corps est couplé à une molécule ciblant la zone d’intérêt et ensuite injecté au patient. Par exemple, un radio-isotope peut être lié à de la glucose, une substance très présente dans les tumeurs », explique Daniel Cano, permettant à des machines pointues (comme une gamma-caméra) de générer des images des organes examinés.

Les techniques nucléaires ont également des applications dans la datation des œuvres d’art, la vérification de la qualité des soudures dans les infrastructures, jusqu’à l’exploration spatiale où des réacteurs nucléaires fournissent l’énergie nécessaire aux sondes. Des projets ambitieux envisagent même d’installer des réacteurs nucléaires sur la Lune pour générer de l’électricité pour d’éventuelles colonisations.

La face cachée des centrales nucléaires

L’énergie nucléaire présente trois avantages majeurs : elle est constante, n’émet pas de gaz à effet de serre, et est relativement peu coûteuse. Elle apparaît donc comme une alternative intéressante pour des applications nécessitant de grandes quantités d’électricité ou de chaleur, comme la désalinisation de l’eau, la production d’hydrogène, ou le chauffage des grandes populations.

« Nous avons commencé à désaliser de l’eau avec l’énergie nucléaire dans les années 80 », précise Manuel Fernández Ordóñez. Le premier réacteur dédié à cette fin a été déployé au Kazakhstan. Plusieurs pays, dont le Japon, l’Inde et le Pakistan, l’utilisent également pour des projets similaires. De plus, le Maroc a récemment engagé des discussions avec l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique pour explorer cette technologie.

La production d’hydrogène est indispensable dans de nombreux processus industriels, et la demande mondiale a triplé depuis 1975. La majorité de cette demande est encore couverte par des combustibles fossiles, mais en se tournant vers des sources nucléaires, nous pourrions considérablement diminuer nos émissions de carbone et produire ce que l’on appelle de l’« hydrogène rose ». « De nombreuses centrales nucléaires dans le monde ont déjà des projets de production d’hydrogène », précise Fernández Ordóñez.

Enfin, certaines centrales nucléaires fournissent déjà de la chaleur. « Une centrale opère à 320°C, produisant plus de chaleur qu’elle ne peut en utiliser. Deux tiers de cette chaleur seraient tout à fait exploitables pour le chauffage urbain. Cela est déjà en cours en Bulgarie, en République tchèque, en Hongrie, en Roumanie, en Suisse, en Slovaquie, en Russie et en Ukraine », conclut Fernández Ordóñez.

Les techniques nucléaires, souvent méprisées et mal comprises, portent des fruits dans des domaines des plus inattendus.

Ma Vision

En scrutant les applications émergentes de la technologie nucléaire, je vois un potentiel inexploité qui va bien au-delà de l’énergie. L’innovation devrait cependant se dérouler avec une approche équilibrée qui prend en compte non seulement les bénéfices techniques et médicaux, mais également les préoccupations éthiques et environnementales. En repensant notre rapport à cette technologie, nous pouvons nous orienter vers un avenir où l’innovation nucléaire contribue positivement à la santé publique et à la durabilité, en plaçant toujours l’homme et la planète au coeur de nos choix.



  • Source image(s) : www.abc.es
  • Source : https://www.abc.es/economia/mil-desconocidas-vidas-versatil-tecnologia-nuclear-20241209041308-nt.html

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