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Un après-midi glacial de décembre, Paris retrouve sa dame. Notre-Dame, majestueuse dans son stoïcisme gothique, est une présence qui a traversé révolutions et guerres, rouvre finalement ses portes. Sa résurrection survient cinq ans après un incendie dévastateur qui a marqué les esprits, un événement qui a captivé le monde à travers les écrans, où la tragédie s’est déployée avec la froide précision de la haute définition. Il y a quelque chose de profondément déconcertant, presque absurde, dans cette fixation contemporaine à observer la souffrance à travers les pixels. Les flammes engloutissant son flèche, les pompiers luttant contre un ennemi implacable, tout cela réduit à un spectacle en deux dimensions, si proche de nous et, en même temps, si éloigné, comme un rêve dont nous ne pouvons nous réveiller.

Mais ne nous y trompons pas : Notre-Dame n’est pas revenue comme avant. Rien ne l’est. À ses murs reconstruits s’adhèrent des couches invisibles d’algorithmes, un réseau numérique aussi complexe que ses gargouilles. Les modèles 3D, les scans laser, les plans conservés sur des serveurs de la taille de petites villes… Cette Notre-Dame est à la fois un monument et un archive, une amalgamation de pierre et de données, une preuve que même l’âme de l’histoire peut être traduite en code.

Avec cette nouvelle cathédrale, naît une nouvelle publication Humanisme digital by Jot Down, une revue qui, tout comme Notre-Dame, s’efforce de relier l’humain à l’inhumain, le tangible à l’intangible, l’éternel à l’éphémère. Dès ses premières pages, la publication se plonge dans cette contradiction : le progrès qui nous remplit de fierté et nous étouffe à la fois. La couverture et l’article de Pedro Ortega Ventureira sur la reconstruction de la cathédrale ne sont pas seulement un hommage aux merveilles de l’ingénierie moderne, mais aussi une réflexion sur notre obsession à immortaliser ce qui, par nature, est voué à disparaître.

Car après tout, que représente Notre-Dame sinon un rappel de notre fragilité ? Nous nous accrochons à ses murs, à ses vitraux, à ses chimères, comme si, en la sauvant, nous pouvions aussi nous sauver. Pourtant, chaque brique numérisée, chaque scan laser, n’est qu’une copie. Une réplique précise, certes, mais dépourvue de cette qualité ineffable que seul le réel possède. En ce sens, la Notre-Dame numérique est un reflet de notre époque : une réalité augmentée qui ne peut que se réduire.

Rubén Díaz Caviedes signe un article intitulé « De circos romanos y máquinas del tiempo de bolsillo », où, avec une clarté aiguisée, il analyse comment la technologie moderne transforme l’histoire en une expérience interactive et presque ludique. Son texte révèle comment les outils numériques, qu’il s’agisse de jeux vidéo, d’applications ou d’environnements virtuels, modifient notre relation avec le passé, le transformant en un espace habitable et accessible. « Et le fracas des chars, le claquement des fouets et le rugissement des spectateurs dans les gradins résonneront à nouveau en Alava deux mille ans après », écrit-il, tissant un pont entre le présent et un passé qui, grâce à ces technologies, se déploie comme un paysage accessible, une machine à voyager dans le temps dans la poche de chacun.

L’auteur, avec son style distinctif mêlant réflexion et une pointe d’ironie, compare l’enthousiasme actuel pour les technologies immersives à celui des Romains pour les spectacles publics dans leurs cirques. Dans les deux cas, affirme-t-il, cela témoigne d’une tentative de dépasser les limites du présent : les Romains cherchaient divertissement et évasion ; nous, nous aspirons à une immersion dans des mondes perdus ou des futurs impossibles. Díaz Caviedes souligne également les risques de cette tendance, notamment la possibilité que les expériences numériques simplifient ou distordent la complexité historique. Cependant, il se réjouit de la manière dont ces technologies démocratisent l’accès au savoir, permettant à quiconque de voyager dans le temps et de vivre l’histoire de manières auparavant inimaginables, simplement avec un dispositif en poche.

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Bien sûr, Humanisme digital by Jot Down ne s’arrête pas à la nostalgie. C’est une revue qui aborde des questions dérangeantes. Que faire de l’intelligence artificielle capable d’écrire des poèmes, de composer des symphonies et de reproduire la voix d’un chanteur décédé depuis des décennies ? Dans « Intelligence artificielle vs. propriété intellectuelle », Pascual Barberán Molina dissèque ce dilemme avec la précision d’un chirurgien : une machine peut-elle être artiste ? Qui peut revendiquer la création de quelque chose qui ne peut même pas s’approprier lui-même ? Il y a quelque chose de profondément ironique dans tout cela. Une intelligence artificielle qui imite la créativité humaine est comparable à un perroquet récitant Shakespeare. Oui, c’est impressionnant. Mais ce n’est pas de l’art. Et pourtant, nous sommes entourés de perroquets. Nous vivons à une époque de répliques : répliques de cathédrales, répliques d’esprits, répliques de vies. Tout peut être cloné, sauf ce qui importe vraiment.

Dans « Le nouveau cerveau d’une éducation du futur », Irene Isabel Fernández nous emmène dans la salle de classe de demain, où les professeurs sont des algorithmes et les élèves, des bases de données en puissance. C’est un panorama fascinant mais aussi inquiétant. La personnalisation de l’apprentissage promet de transformer chaque étudiant en génie, mais à quel prix ? Que devient la créativité lorsque tout est prévu, optimisé, quantifié ?

Et puis il y a la gamification. L’idée qu’un jeu vidéo tel que Assassin’s Creed Unity, avec sa recréation obsessionnelle de Notre-Dame, puisse servir d’outil pour la préservation culturelle est aussi ridicule que brillante. Des millions de joueurs ont exploré la cathédrale depuis leur salon, grimpant et descendant ses tours virtuelles comme des touristes du métavers. Mais comprenons-nous vraiment ce que représente un lieu lorsque nous le vivons à travers un joystick ? Ou, plus précisément, avons-nous réduit notre compréhension du monde à ce qui peut tenir sur un écran ?

Humanisme digital by Jot Down se tourne également vers l’avenir avec un scepticisme sain. Dans « Transhumanisme, la utopie confortable », Álvaro Corazón Rural décompose la promesse – et le danger – d’un monde où biologie et technologie se fondent dans un Frankenstein postmoderne. Ses mots ne sont pas ceux d’un ludite nostalgique, mais de quelqu’un qui reconnaît la séduisante complexité des avancées technologiques tout en questionnant le prix qu’elles pourraient nous coûter. Corazón Rural pose des questions sans chercher des réponses faciles : voulons-nous vraiment vivre plus longtemps si cela signifie renoncer à notre humanité ? Sommes-nous prêts pour un avenir où nos esprits et corps deviendraient des terrains d’expérimentation, fragmentés entre le biologique et l’artificiel ? Au-delà des discours dithyrambiques sur la transcendance des limites humaines, l’article interroge si ce prétendu progrès n’est en réalité qu’un nouveau pacte faustien, nous faisant abandonner ce qui est essentiel en quête de quelque chose qui, une fois atteint, pourrait se révéler vide.

L’auteur nous avertit également : « Il faut abandonner ce chemin d’utilitarisme technocentrique, où la valeur d’une action se mesure par la maximisation des capacités physiques ou cognitives par des moyens technologiques, plutôt que de réduire le bien-être humain à des améliorations quantifiables en performance ». Dans un monde transhumaniste, que reste-t-il de l’imperfection, de la pause, de l’erreur ? Est-il désirable d’exister où l’intelligence serait un produit optimisé et non un processus vécu ? Corazón Rural observe avec inquiétude comment les idéaux du transhumanisme semblent dissoudre les limites qui nous rendent humains, remplaçant mortalité et vulnérabilité par un simulacre de perfection qui pourrait anéantir précisément ce qui donne sens à la vie. La question sous-jacente à son texte n’est pas tant de savoir si nous pouvons rendre l’humanité meilleure, mais si nous devrions essayer. Dans son analyse lucide, Corazón Rural ne donne pas de réponses définitives, mais suggère que peut-être la chose la plus humaine que nous puissions faire est d’accepter nos propres limites plutôt que d’essayer de les effacer. Voulons-nous être des dieux ou sommes-nous toujours prêts à être humains ? Cet article ne laisse aucun répit, et c’est précisément sa vertu.

La revue ne prétend pas avoir toutes les réponses. Mais elle n’en a pas besoin. Sa mission n’est pas de fournir des certitudes, mais de semer le doute, de nous déranger, de nous tirer de la banalité confortable d’un progrès aveugle. Elle y parvient avec un équilibre rare entre rigueur académique et curiosité littéraire troublante, un mélange qui rappelle ces essayistes qui savaient que les meilleures réponses ne ferment pas des portes, mais ouvrent des couloirs sombres vers de nouvelles questions.

La réouverture de Notre-Dame est un symbole d’espoir, certes, mais aussi un avertissement. Elle nous rappelle que l’histoire est fragile, que tout ce que nous construisons peut disparaître en un instant. Et elle nous rappelle également que la technologie n’est pas un gilet de sauvetage, mais un outil. Comme tout outil, elle peut être utilisée pour créer ou détruire. Au final, Notre-Dame renaît. Mais elle n’est plus la même. Et nous, qui la contemplons avec un respect renouvelé, ne le sommes également plus. Peut-être que c’est cela qui en vaut la peine. Pas la cathédrale elle-même, mais ce qu’elle représente : notre capacité à reconstruire, à résister, à avancer. Même lorsque nous savons que tout, tôt ou tard, sera poussière.

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Notre Point de vue

La réouverture de Notre-Dame nous incite à réfléchir sur la relation entre la technologie et notre patrimoine culturel. Dans un monde où l’on cherche à figer le passé à travers des reproductions numériques, la question de la mémoire et de son authenticité devient cruciale. L’Europe, avec son riche héritage historique, se doit de naviguer prudemment dans cette mer numérique. Il est essentiel que les Européens, tout en adoptant les avancées technologiques, conservent un lien authentique avec leur passé, pour que l’avenir ne soit pas édifié sur des ruines d’artifices, mais sur des bases solides de notre histoire.



  • Source image(s) : www.jotdown.es
  • Source : https://www.jotdown.es/2024/12/los-algoritmos-suenan-con-notre-dame-humanismo-digital-by-jot-down/

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