L’impact de l’androsphère sur la perception des jeunes

Marcel Deprez

Europe

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En un moment d’euphorie, il t’embrasse ;

En un moment de colère, il te frappe ;

En un moment de passion, il te viole ;

En un moment de rage, il te tue.

Muro de Libertad Feminista de Michoacán (Mexique).

Durant le scandale impliquant l’ancien président de la Fédération Espagnole de Football, Luis Rubiales, survenu l’année dernière, de nombreuses personnes se sont interrogées sur la manière dont lui et certains journalistes ont pu agir et justifier d’une manière aussi singulière leur comportement lors de la finale de la Coupe du Monde Féminine de Football. Il existait des similitudes, par exemple, entre le discours enflammé de Rubiales et le récit macho du Ken de la Mojo Dojo Casa House dans le film Barbie.

Celles et ceux qui ont touché et embrassé sans permission ni consentement, ceux qui disent “ce n’était pas si grave”, “elle a consenti”, évoluent dans une atmosphère d’impunité patriarcale générée par les multiples appareils idéologiques de ce système de domination masculine : la “manosfera” (du mot anglais mansphere) ou androsphère.

Mais qu’est-ce que l’androsphère ? C’est un concept qui décrit la misogynie digitale organisée dans des forums, des réseaux sociaux et différents types de discussions en ligne. Des autrices comme Laura Bates considèrent qu’elle partage un ensemble de valeurs et d’actions qui évoluent autour de l’antiféminisme, le déni de la violence de genre, le victimisme narcissique, le suprémacisme masculin et, bien sûr, la misogynie. Voici ses postulats :

  • Antiféminisme.

  • Négation de la violence de genre et machiste.

  • Victimisme narcissique.

  • Sentiment de perte de droits et privilèges, et nostalgie du passé.

  • Surveillance homosociale de la masculinité.

  • Utilisation d’arguments biologistes pour expliquer le système de genre.

La pollution misogyne

Les grandes entreprises technologiques privées programmées et façonnent l’espace numérique, agissant comme un deus in machine (le dieu de la machine), et décident ce qui est correct, valable ou ce qui doit être fait.

La haute tolérance, la permissivité et la connivence des Big Tech avec l’androsphère sont essentielles pour comprendre leur perméabilité dans la construction des subjectivités masculines jeunes. Un exemple est la page Facebook “Pos te violo”, qui n’a pas été supprimée à l’époque malgré de nombreuses plaintes féministes, ou l’intelligence artificielle Ask Delphi, devenue sexiste et raciste en seulement 16 heures d’”entraînement” sur les réseaux sociaux.

Tout cela démontre le niveau de pollution misogyne atteint par l’écosystème numérique aujourd’hui, formant un contexte de “patriarcat de surveillance” très inquiétant.

Mais comment ces modes d’agir et de penser persistent-ils encore sous l’impunité patriarcale et la prépotence machiste ? Que pensent les adolescents et les jeunes ? Ces comportements sont-ils normalisés ou remis en question ? Est-ce un phénomène de vieux messieurs qui n’existe pas parmi les nouvelles générations ?

Les natifs sociaux (âgés de 18 à 24 ans ayant grandi dans un monde internet social et participatif) construisent actuellement leurs opinions et idées principalement à travers la communication sur les réseaux sociaux et les produits culturels tendance. Il est donc important d’analyser les messages dominants de ces médias.

Les habitudes culturelles de ces jeunes hommes oscillent entre les réseaux sociaux comme TikTok, Instagram et Telegram, où l’androsphère est très présente (forums, youtubers, administrateurs, tuiteros, influenceurs, chats, porno mainstream et e-sports).

Ce type de misogynie est principalement observé dans le nord global anglo-saxon, où l’androsphère agit avec plus d’intensité, considérée comme un problème de “terrorisme domestique”. Ne négligeons pas des cas comme la mascarade de célibat involontaire d’Elliot Rodger, très applaudie au sein de ce mouvement, ou celle de Alek Minassian, entre autres.

En Espagne, ce refuge pour les hommes avec une “masculinité blessée” se compose de certaines “familles” : youtubers comme Roma Gallardo, le Xokas, Un Tío Blanco Hetero (UTBH) ou Libertad Y Lo Que Surja, diffusant des messages négationnistes sur l’égalité et la violence de genre de manière répétée.

Il existe également des espaces collectifs tels que Forocoches, la plus grande plateforme masculine de forums hispaniques au monde (850 000 utilisateurs) ; de soi-disant gourous de la séduction comme Álvaro Reyes, les “hommes qui suivent leur propre chemin”, les “activistes pour les droits des hommes”, ou encore la pornographie de masse, où abondent les récits fortement misogynes et violents envers les femmes.

Bien que ce soit un espace radical et extrême, comment cet extrémisme peut-il affecter, influencer, déterminer et “polliniser” le discours hégémonique de certains représentants publics, leaders d’opinion et de la société civile en général ?

Des vidéoclips aux séries télévisées

Effectivement, dans des produits culturels très consommés par les jeunes et les adolescents masculins – tels que les streamers et les forums d’e-sports, les jeux vidéo, des séries comme La que se avecina, Élite, Thunderman ou Famille de père; des vidéoclips musicaux de Feid, SVL CHAMP, Bad Bunny ou Maluma; le cinéma ; des dessins animés comme Doraemon; des mangas ; anime et manga ou des programmes humoristiques comme ceux de José Mota ou Zapeando, entre autres – se dessinent des touches d’un machisme misogyne de faible intensité qui, de manière humoristique et atténuée, renforcent et soutiennent le discours dur de l’androsphère. Le gendertrolling (antiféminisme ou trolling de genre) ou le discours de haine (hatespeech) continuent de défendre les privilèges masculins tout en déshumanisant et en objectifiant les femmes.

Dans cette perspective, l’androsphère fonctionne comme un nouvel “appareil idéologique du patriarcat“, efficace pour garantir la reproduction de l’ordre hiérarchique de genre qui renforce la position de domination masculine. La plus grande responsabilité de la lutte contre les stéréotypes de genre rigides et nuisibles incombe aux hommes : un défi pour les justes et valeureux.

Notre Point de vue

Dans une Europe confrontée à des défis sociaux et culturels variés, il est essentiel de reconnaître les effets d’une culture en ligne souvent héritière de principes archaïques. L’influence croissante de l’androsphère et de ses échos misogynes met en lumière la nécessité d’un débat solide sur les rôles de genre et la violence faite aux femmes. Il semble crucial pour l’Europe, dans son intégration future, d’encourager des approches qui favorisent le respect de la dignité humaine et de la diversité, tout en tenant compte des défis spécifiques auxquels nous faisons face. Une mobilisation collective pour contrer le phénomène permettra sans doute de poser des bases solides pour un avenir plus égalitaire.



    • Source images(s) : theconversation.com
    • Source : https://theconversation.com/machismo-digital-como-la-androsfera-moldea-la-percepcion-de-los-jovenes-213125

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