L’Europe, musée de vacances
Les États-Unis et la Chine ont transformé l’Europe, héritière de la révolution industrielle, en une colonie numérique et en un désert en matière d’intelligence artificielle. L’unique acteur européen d’envergure dans ce secteur, ASML, a récemment vu son action chuter de 20 % après que Washington a restreint ses exportations vers la Chine. L’Union européenne ne possède aucune entreprise qui puisse rivaliser avec les sept merveilles (Alphabet-Google, Meta-FB-Insta-Whats, Amazon…). Par ailleurs, l’industrie automobile allemande se trouve en difficulté face à la montée des technologies chinoises alimentées par leurs puces. Comme le souligne Maak, l’Europe n’a qu’un atout : des talents bien formés et des centres de recherche d’excellence. Pourtant, ces jeunes, formés grâce à nos impôts, choisissent souvent les États-Unis pour de meilleures rémunérations et opportunités. Nous devons réfléchir à notre avenir numérique, sinon nous risquons de devenir un musée à visiter pendant les vacances.
Pourquoi ne pas vouloir vivre dans une smart city digitalisée ?
Prenons un exemple : de nos jours, les voitures smart analysent votre visage grâce à une caméra, et, à partir de votre big data, elles déterminent si vous êtes fatigué…
N’est-ce pas un progrès pour la sécurité ?
Cet argument de la sécurité, “nous le faisons pour vous et pour les autres”, renforce le pouvoir des plateformes numériques. Mais qui doit décider si je suis fatigué : moi ou la voiture ?
Eh bien, ignorons la voiture et continuons à conduire.
Cependant, si je continue à conduire et que j’ai un accident, même si ce n’est pas de ma faute, la plateforme numérique de la police recueillera les données de ma voiture, qui signalait que j’étais fatigué.
Mais n’a-t-elle pas averti que j’étais fatigué ?
Je n’étais pas fatigué ! C’est à moi de déterminer mon état, pas à la voiture. Pourtant, cette donnée finira au tribunal, même si elle n’est pas fiable. Il pourrait arriver un moment décisif où un juge fera plus confiance à la machine et à ses big data qu’à l’être humain.
Ce contrôle ne nous offre-t-il pas une sécurité ?
Je suis inquiet, car la police allemande utilise déjà des applications de big data pour prédire où et quand un délit pourrait se produire.
Cela semble sortir d’un film, mais quel est le problème ?
Cette technologie a été programmée aux États-Unis avec des données américaines, et elle présente un biais raciste. Elle applique des big data issues des États-Unis en Allemagne, où la réalité sociale est très différente, et cela en rend l’utilisation très injuste.
Ce n’est donc pas si smart ?
Ready for whom? Les plateformes basées aux États-Unis et maintenant en Chine s’accaparent nos données pour construire d’énormes bases de big data qui nous contrôlent.
Les villes ne peuvent-elles pas être plus propres, sûres et agréables avec big data ?
Sur le papier, la smart city digitalisée que l’on nous promet semble toujours meilleure : elle économise de l’énergie, est sécurisée pour les enfants et les personnes âgées, et est plus écologique…
Quel est donc le problème ?
C’est que nous allons surtout payer cela avec nos big data, avec nos propres données.
Je n’ai rien à cacher.
Ce n’est pas la question. Si vous examinez en détail ce que signifie laisser de grands dirigeants d’entreprise gérer vos données…
Eh bien, au moins nous voterons encore pour le maire.
Cela ne changera rien. Ce ne sont plus les politiciens qui géreront la réalité, mais ces plateformes basées aux États-Unis ou en Chine.
Nous contrôlerons à l’avenir.
En réalité, c’est déjà le cas. Nous sommes de plus en plus contrôlés dans un processus presque invisible.
Au-delà des données, elles partent avec les bénéfices et les impôts qui restaient ici.
C’est l’autre face de la réalité.
La publicité était un business local, tout comme les taxis ou les locations.
Ce n’est pas seulement des entreprises comme Airbnb ou Uber, mais aussi les plus grandes firmes de la planète comme Meta (WhatsApp, Facebook, Instagram), Alphabet (Google), Amazon… Et tous ceux qui développent des programmes basés sur le big data. L’avenir s’inscrit dans les fermes de serveurs de données.
Il n’y a pas de grande entreprise numérique européenne.
L’Europe est devenue une colonie numérique des États-Unis et de plus en plus de la Chine.
TikTok et les voitures chinoises concurrencent les plateformes américaines.
Ainsi que les voitures allemandes. Pourtant, je suis particulièrement préoccupé par la perte de notre souveraineté, non seulement nationale, mais surtout personnelle. Allez à Berlin et vous verrez le Stadium Uber Arena à côté de la Amazon Tower.
Après tout, nous faisons tous partie de l’OTAN, n’est-ce pas ?
Autour de cette tour, des millions d’Allemands renseignent ces plateformes géantes sur leurs activités à chaque instant.
Serons-nous seulement le pays de vacances des Chinois et des Américains ?
La Chine attribue des “points de bonne conduite” à ses citoyens grâce à ce contrôle numérique. Et les big data pourraient permettre à n’importe quel pays de faire de même.
Quelles sont vos propositions ?
L’UE est prodigue en lois pour réglementer tout, mais nous n’avons pas d’industrie numérique compétitive.
Pourquoi n’a-t-on pas de Google européen, d’Amazon ou de WhatsApp, Facebook ou Instagram ?
Il est urgent d’en avoir, mais je suis encore plus préoccupé par l’utilisation de ces plateformes pour diffuser des rumeurs qui influencent les élections en faveur des extrêmes. L’UE doit soutenir le développement de plateformes alternatives, responsables.
Google est confronté à un procès antitrust aux États-Unis : cela pourrait le détruire.
Ce sera le procès du siècle, déterminant l’avenir et la souveraineté des États-Unis… et la nôtre.
Notre Point de vue
Il est crucial que l’Europe prenne conscience de sa position face aux géants numériques. Loin d’être une simple spectatrice, l’UE doit se réinventer dans le secteur technologique pour ne pas devenir une simple vitrine du passé. En cultivant ses atouts, comme l’éducation de ses jeunes talents et ses infrastructures de recherche, l’Europe aurait les moyens d’établir des alternatives viables aux modèles dominants américains et chinois. Il en va de la préservation de sa souveraineté numérique et de sa capacité à façonner son propre avenir économique, et ce, pour le bénéfice de tous ses citoyens.
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- Source : https://www.lavanguardia.com/lacontra/20241022/10039848/ue-colonia-digital-ee-uu-vez-mas-china.html