Vers l’instauration du nouvel espace européen de données sanitaires
Après de nombreuses années de discussions et de négociations, l’Espace Européen de Données Sanitaires (EEDS) est sur le point de voir le jour. Dans l’attente de la validation de l’accord atteint en avril dernier par le Parlement Européen et le Conseil de l’UE, les États membres commencent à préparer le terrain pour sa mise en œuvre. Les experts estiment que cette concrétisation pourrait survenir dans les deux à trois prochaines années. Selon Dolores Ruiz, membre du Conseil Exécutif de la Société Espagnole de l’Informatique de la Santé (SEIS), le facteur économique a été un moteur essentiel dans l’élaboration de cette réglementation : « L’Europe a perdu en compétitivité, et cela représentera un pas significatif pour le secteur biomédical et de la santé. »
À une époque où les données sont devenues un bien précieux, ce règlement permettra d’interconnecter les dépôts sanitaires des 27 pays de l’UE, représentant près de 500 millions d’habitants, et de créer une véritable mine d’or d’informations. Si tout se déroule comme prévu, cela devrait favoriser l’innovation ainsi que le développement de nouveaux produits et services de santé sur le continent. En effet, la Commission Européenne estime que la création de cet écosystème pourrait entraîner une croissance annuelle de l’industrie numérique de la santé de 20 à 30 %.
Des économies prévues grâce à l’échange d’informations
En outre, l’EEDS pourrait générer des économies de 11 milliards d’euros au cours de la prochaine décennie grâce à l’amélioration de l’accès aux données, facilitant ainsi la recherche biomédicale et la mise en place de politiques sanitaires. Rosa Lillo, directrice de l’Institut Big Data UC3M-Santander (Ibdat), souligne que cette initiative ouvrira des opportunités intéressantes pour les chercheurs en leur donnant accès à une multitude de données de qualité. Cela inclut les antécédents médicaux, les essais cliniques et même des informations génétiques, ce qui pourrait déboucher sur de nouveaux traitements améliorés et optimiser la réponse à des crises sanitaires futures.
Lillo a pris la parole lors de la rencontre intitulée Le valeur des données en recherche biomédicale et scientifique, organisée le 15 novembre à León par la société pharmaceutique américaine MSD, en collaboration avec SEIS. Tomás Castillo, vice-président de la Plateforme des Organisations de Patients (POP), a également fait remarquer que ce nouvel écosystème numérique pourrait « accélérer les diagnostics, notamment pour les maladies rares qui prennent des années à être identifiées. »
Des défis à relever
Cependant, les experts mettent en garde : avant son entrée en vigueur, il faudra surmonter d’importants défis pour garantir la faisabilité de ce nouveau cadre réglementaire. Selon Juan Díez González, responsable de la sécurité dans les secteurs sanitaire, alimentaire et de la recherche de l’Institut National de Cybersécurité (Incibe), « l’EEDS doit placer la santé européenne au XXIe siècle, mais il doit être sécurisé par conception dès le départ. » Cela implique des mesures pour protéger l’intégrité des données et désigner une autorité compétente dans chaque pays pour assurer leur qualité. Il souligne l’importance de sensibiliser le public, qui conservera le droit de ne pas partager ses informations, afin qu’il ait confiance dans ce nouvel espace.
Un autre obstacle réside dans la fragmentation des données sanitaires en Espagne, conséquence de la décentralisation du système de santé. Lillo indique qu’une volonté politique est nécessaire pour initier un changement et propose de développer des formats et méthodologies communs tout en investissant dans des technologies propices à l’interopérabilité des acteurs de la santé. La Commission européenne prévoit de contribuer à hauteur de plus de 810 millions d’euros pour soutenir l’implémentation de l’EEDS.
Par ailleurs, il reste à déterminer comment cette nouvelle réglementation coexistera avec la récente législation européenne sur l’intelligence artificielle, certains experts craignant des conflits entre les deux régulations. Le secteur privé met également en avant l’importance d’une bonne gouvernance pour assurer transparence et efficacité au sein de l’EEDS, en y impliquant tous les acteurs sociaux.
Enfin, Paula Ramírez, directrice associée des affaires gouvernementales chez MSD en Espagne, rappelle qu’il est crucial de bien protéger la propriété intellectuelle et les droits commerciaux tout en permettant la poursuite des avancées en matière de recherche. À défaut, l’Europe pourrait voir sa compétitivité sur le marché mondial menacée.
Notre Point de vue
Il est indéniable que la création de l’Espace Européen de Données Sanitaires constitue une avancée significative pour le secteur de la santé en Europe. En favorisant l’accès à des données interconnectées, cet espace pourrait non seulement améliorer la recherche biomédicale, mais aussi garantir un accès aux soins plus efficient aux citoyens européens. Toutefois, les défis restent conséquents, notamment en matière de sécurité des données et d’harmonisation des systèmes. L’Europe doit s’engager à établir des normes rigoureuses tout en sensibilisant la population aux bénéfices de cette initiative, afin d’en maximiser les retombées positives dans un contexte global de compétitivité accrue.
- Source image(s) : cincodias.elpais.com
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