Tétouan (anciennement Tamuda), détruite par les Espagnols en 1399, est reconstruite à la fin du 15è siècle grâce à l'arrivée de juifs et de musulmans fuyant l'Inquisition. La communauté juive de la ville a donc la particularité d'être entièrement séfarade et hispanophone - comme en témoignent la majorité des grandes familles de Tétouan: Abudaraham, Almosnino, Bendelac, Bibas, Cazès, Coriat, Crudo, Falcon, Hadida, Nahon, Taurel...
La communauté de Tétouan est également rayonnante sur le plan spirituel. En 1530, R Hayyim Bibas, arrivé à Fez alors qu'il était encore enfant, avec sa famille fuyant l'Inquisition espagnole, est invité à venir la diriger. Quelques années plus tard, il fonde avec son fils une yeshivah qui deviendra célèbre dans toute l'Afrique du Nord et même au- delà. Même si la splendide synagogue Bibas est détruite lors de la rébellion de 1610, on compte sept synagogues à Tétouan en 1727.
Au 19è siècle, la communauté de la ville vénère le dayyan R.Isaac ben Walid, auteur de Va Yomer Yitzhak qui constitue une source de renseignements extrêmement précieuse sur l'histoire sociale, économique et religieuse de juifs de Tétouan. Cet érudit sera l'un des plus grands soutiens de l'entreprise scolaire de l'Alliance.
L'année 1808 marque une date- clé, puisqu'un décret d'expulsion de tous les juifs de la ville est promulgué, afin de faire de Tétouan une cité exclusivement musulmane. Une délégation de la communauté se rend à Fez pour tenter de plaider sa cause, mais elle obtient seulement l'autorisation pour les juifs de construire leurs propres quartiers en dehors des limites de la ville: c'est le début du développement de la Juderia, le quartier juif de Tétouan. La ségrégation spatiale s'accompagne de mesures de marginalisation sociale et professionnelle puisque certains métiers sont désormais interdits aux juifs, contraints par ailleurs de porter un vêtement distinctif noir et fréquemment victimes de bastonnades. Ainsi privés de ressources, les juifs de Tétouan s'appauvrissent considérablement. La plupart des 9000 âmes qui composent la communauté au milieu du 19è siècle sont réduites à la misère. Aussi l'émigration s'amplifie-t-elle de manière spectaculaire - vers Mellila, Gibraltar, Oran, mais aussi en direction de contrées plus lointaines: nombreux sont les juifs de Tétouan à aller s'établir à Buenos-Aires, Rio de Janeiro, Lima ou Caracas...
L'embellie est malheureusement de courte durée. En1867 et 1868, les attaquent de tribus montagnardes, de pirates du Rif, remettent en cause la sécurité des habitants de Tétouan, dont une partie est décimée par des épidémies. La sécheresse frappe la région. Le mouvement migratoire des juifs de Tétouan s'amplifie encore.
En 1912, Tétouan passe de nouveau sous domination espagnole et le sort des juifs connaît une nette amélioration. La Couronne protège officiellement les institutions juives, l'obligation faite aux juifs de résider dans la Juderia est assouplie et il leur est désormais possible d'acquérir des maisons dans les divers quartiers de la ville. Par ailleurs, les taxes spéciales que les juifs devaient acquitter sont abolies. L'accession du franquisme entraîne toutefois une certaine dégradation de la vie des juifs de Tétouan, sur le plan économique en tout cas.
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